La paysannerie chinoise est sans conteste la plus nombreuse dans le monde. C'est aussi la plus mal connue. L'arrivée au pouvoir du régime communiste, il y a trente ans, a relégué ce que nous pouvions savoir d'elle derrière le prisme des vérités officielles. Et parmi ces vérités, il y a l'adhésion des masses paysannes au socialisme des structures collectives que le pouvoir nouveau a partout implantées dans les campagnes.
Cette « vérité » a été accréditée dans l'intelligentsia occidentale, mais aussi dans les milieux sinologiques, par le rappel des traditions communautaires qui, dans les villages chinois, auraient préparé la société traditionnelle à accueillir la collectivisation communiste.
Notre objectif ici ne sera pas de confirmer ou de démentir cette vérité de l'adhésion au socialisme des masses paysannes. Nous nous proposons plus modestement d'examiner ces traditions communautaires dans leurs formes touchant directement aux structures de production : l'entraide agricole spontanée et les coutumes anciennes qui lui sont associées. Nous essaierons de montrer alors que la tradition ne prédisposait pas du tout le paysan chinois à la venue du collectivisme, soulignant ainsi la novation du projet communiste mais aussi l'ampleur des difficultés de sa mise en œuvre. Ce projet, sa mise en œuvre, nous les analyserons à propos de l'entraide agricole provoquée, telle que les communistes essayèrent de la pratiquer dans leurs bases du début des années 1940. Nous constaterons alors que l'intervention communiste présentait déjà nombre de traits préfigurant ce que sera la collectivisation de la décennie suivante.